Ce sujet est complexe et profond. Il prend racine au tout début du XIXe siècle, dans les pages tragiques de l’histoire de notre peuple lorsque les gouvernements successifs – osmanli, jeunes turcs puis kémaliste – ont décidé d’éradiquer totalement les arméniens, physiquement aussi bien que culturellement.
D’en parler régulièrement ne résoudra pas cette question mais permettra à l’humanité et au monde civilisé d’être sensibilisés à ce sujet.
L’assassinat de Hrant Dink a été en quelque sorte la clé de cette «boîte de Pandore» de la société turque et de ses secrets d’Etat de ces derniers siècles bien soigneusement bien gardés.
Il y a quelques années de cela, une conférence sur «Les Arméniens islamisés» a été organisée à l’Université de Bosphore. Elle a cassé le mur du silence et le tabou autour de ce problème en Turquie. Le thème des arméniens convertis de force à l’islam était jusqu’à présent dissimulé aux yeux de la société turque et de la communauté internationale. C’était un secret connu de seulement quelques uns.
Pendant la période du génocide contre les Arméniens, le gouverneent turc pratiquait une politique d’islamisation forcée des femmes et des enfants. Ce fait est à prendre en compte dans le contexte du Génocide auquel a été soumis le peuple arménien et le considérer en tant qu’élément structurant dans la mesure où ces conversions forcées ont sauvé femmes et enfants physiquement mais leur ont fait perdre leur identité arménienne.
Des dizaines de milliers de jeunes filles et jeunes femmes arméniennes ont été enlevées par des turcs et des kurdes, sont devenues leurs esclaves. D’autres dizaines de milliers ont embrassé l’islam pour échapper à la déportation, aux massacres et d’autres milliers ont pris la fuite, cherchant refuge dans des villages kurdes et alaouites.
Que sont ensuite devenues ces victimes rescapées du génocide?
Hrant Dink avait totalement raison lorsqu’il répétait:»Nous parlons de ceux qui ont été exterminés en 1915, parlons à présent de ceux qui ont pu survivre».
«Akunq.net» a publié récemment des documents osmanli (découverte d’archives par l’américain Guévork Akopian) par lesquels le ministre de l’intérieur de Turquie, Talaat-pacha, donne des directives pour l’islamisation des arméniens et une fois de plus confirme la politique criminelle menée par le gouvernement turc. Ces dernières années ont été dévoilés et publiés des milliers de documents, de témoignages authentiques provenant des descendants des victimes du génocide perpétré à l’encontre des arméniens. Ajoutons que les archives secrètes du gouvernement turc concernant ce sujet n’ont pas encore été dévoilées.
Martyrisés dans leur âme et dans leur corps, les rescapés ont vécus l’enfer. Leurs enfants et petits-enfants les estiment dignes du souvenir et ne veulent plus dissimuler leurs racines arméniennes.
Ils peuvent perdre leur travail, leurs moyens de subsistance et même leur vie s’ils changent leur identité. Comme exemple de l’ampleur du racisme et de la discrimination en Turquie rappelons ici qu’un membre du Parlement de l’opposition ultranationaliste a accusé, il y a quelques années de cela, le président turc Abdul Gül d’avoir des racines arméniennes.
La dissimulation de ses racines arméniennes pour la troisième ou quatrième génération après le génocide confirme haut et fort la permanence de la situation. D’après les résultats de consultations officieuses menées en Arménie Occidentale, un interrogé sur trois témoigne d’une grand-mère arménienne. Ce fait, dissimulé jusqu’il y a peu, montre clairement que la nouvelle génération essaie de retrouver son identité arménienne.
Les crypto-arméniens, dissimulant leur origine, continuent secrètement à observer quelques coutumes nationales et religieuses et s’efforcent également de se marier à d’autres comme eux. Lors de tels mariages on met au second plan les différences d’âge, de classe sociale et autres. Ils s’efforcent également de conserver ces traditions en Europe où ont émigré leurs nombreuses familles.
Le fait que les crypto-arméniens aient l’habitude de contracter des mariages à l’intérieur de leur communauté a intéressé les scientifiques turcs. Ils ont approfondi la question sur la base de diverses possibilités et faits. Ayant étudié dans le détail la généalogie des arméniens convertis, ils mettent en avant des preuves qui démontrent que souvent et non par hasard des mariages se contractent entre générations de crypto-arméniens.
Ainsi on peut affirmer que la tradition de contracter des mariages au sein de sa propre communauté constitue un témoignage supplémentaire de reconnaissance nationale au sein des crypto-arméniens de Turquie.
A juste titre l’historien Martik Gasparian remarque dans son ouvrage «Les nuages ne peuvent longtemps masquer la lumière du soleil» que les arméniens dissimulant leur origine sont devenus la migraine des nationalistes turcs. Il leur semble qu’ «au moment voulu» ces crypto-arméniens seront capables pratiquement de paralyser la Turquie.
Au début de 2015 l’hystérie des historiens du pouvoir a atteint son apogée. Elle a eu un large écho dans les SMI , les cercles politiques et scientifiques turcs. D’après l’historien Youssef Galatchoglü, les kurdes alevis seraient des arméniens convertis à l’islam qui ont changé leurs noms pour échapper à «la déportation de 1915». Ce falsificateur possède des renseignements sur des centaines de milliers d’arméniens: leurs véritables noms arméniens, leurs noms turcs, leur lieu de résidence, etc..
Appuyant le point de vue de Galatchoglü, l’historien Abdourahman Kütiük confirme qu’il y a effectivement eu des changements de religion parmi les arméniens. Il ajoute: «On observe des changements de religion en Cilicie en 1909 et 1915». Ces dates seules témoignent que ces conversions sont liées en 1909 aux pogroms dont ont été victimes les arméniens de Cilicie et en 1915 au génocide perpétué à l’encontre des arméniens.
De nombreux historiens sont montés à la tribune pour le critiquer, le traiter de raciste, de «scientifique « partisan. Ainsi, un journaliste de «Hurryet» lui a carrément demandé pourquoi ces arméniens-là ont dû changer leur nom et passer pour musulmans? De son côté Murat Belghe, écrivain et journaliste connu, a fait remarquer que la démarche de ces cent mille arméniens sauvés par leur conversion à l’islam permet d’imaginer le sort de ceux qui ne l’ont pas fait.
Revenant à la question de l’existence d’arméniens convertis parmi les kurdes-alevis et les zaz, des faits le confirment: pendant les périodes de génocide de nombreux arméniens ont réellement trouvé refuge chez les alevis du Dersim. Les alevis du Dersim ont conservé jusqu’à présent l’expression «Arménien de notre maison» qu’on peut interpréter comme preuve directe et mémoire du fait qu’ils ont donné aux arméniens asile dans leurs maisons.
On sait que le gouvernement turc enregistrait les arméniens islamisés à l’aide d’un système spécialement dédié à simplifier le repérage de leur identité cachée. Dès le début du XIXe siècle chaque village et son clan arménien islamisé de force qui avait pu survivre aux génocides consécutifs était répertorié.
La collecte de ces données bien précises concernant les arméniens avait un but très concret. On sait qu’en 1938 le gouvernement turc a organisé des pogroms au Dersim, et de nombreux témoins parmi les alevis du Dersim lorsqi’ils les évoquaient– se référant aux récits des anciens et témoins de ces pogroms – ont constaté qu’ils étaient essentiellement dirigés contre les arméniens qui s’y étaient réfugiés après 1915. Comme l’a remarqué un interlocuteur âgé: «ce qui a été inachevé en 1915, ils l’ont continué en 1938 et là de très nombreux arméniens convertis ont péri». Tout cela pour montrer que ces recensements, datant de 1936-1937, d’arméniens islamisés ont permis au gouvernement turc d’en anéantir au Dersim une bonne partie.
Rouben Melkonian, turcologue du Erevan Université d’État estime que la question des crypto-arméniens et des arméniens islamisés n’est pas un fait nouveau. Il distingue quatre groupes d’arméniens en Turquie. Le premier – les arméniens vivant en Amshen et déjà islamisés aux XVII-XVIIIe siècles mais ayant conservé leur identité, langue, dialecte, coutumes et rites. Le deuxième groupe – les crypto-arméniens ayant conservé leur identité par mariages intra-communautaires. Le troisième – les arméniens islamisés n’ayant pas conservé leur identité, ayant contracté des mariages avec des musulmans et autres. Le quatrième groupe est composé d’individus de descendance arménienne mais ne se considérant pas arméniens.
Les arméniens-chrétiens de Constantinople forment un groupe à part et leur comportement vis-à-vis des arméniens islamisés est significatif. On dirait que la communauté arménienne de Stamboul, et pis encore, celui de l’archevêque Aram Atechyan, vicaire du Patriarcat de l’Eglise apostolique arménienne de Constantinople ne peuvent ou ne veulent pas prendre en compte leur existence.
Une arménienne amshen originaire du district de Khopa de la province d’Ardvin, Hyurrye Shakhin, écrivaine et chercheuse, s’est indignée de cette attitude. Dans son ouvrage «Comment la politique d’assimilation anéantit les langues: histoire des arméniens et des arméniens amshen», elle écrit: «Dans le monde d’autres sociétés se sont regroupées autour de leur langue et non de la religion. Il ne faut pas confondre religion et descendance ethnique. L’affirmation «un arménien ne doit pas être musulman» – est une approche incorrecte et non scientifique. Nous devons revoir notre position. Il est indispensable que les arméniens et les amshen mettent au premier plan non pas la religion mais son authenticité et sa langue».
Rouben Melkonyan pense que, déjà du temps de la Russie impériale, nos compatriotes représentaient un intérêt pour les centres de force ayant des intérêts en Turquie. Dans les années 20-30 du siècle dernier, les américains et les anglais s’y sont intéressés. A la fin du XXe siècle, avec l’important flux migratoire turc, cette problématique a également vivement alerté les autorités allemandes.
Le contexte posé, examinons plus en détail la question des arméniens amshen islamisés et des khemshyls.
Les arméniens vivant en Arménie occidentale pratiquaient traditionnellement le christianisme et dès le XV-XVIe siècle ont adhéré à l’islam sous la contrainte du yatagan turc. A la fin du XIXe et au début du XXe siècle, une partie de nos compatriotes fuyant l’islamisation s’est réfugiée en Arménie orientale, en Russie, en Abkhasie et les pays chrétiens.
Le groupe d’arméniens amshen cité plus haut est descendant d’une partie des amshens non islamisés qui a été contrainte de quitter son pays Amshen au moment de l’islamisation des populations et de la turcisation forcée. Il est également composé de descendants de victimes du génocide.
Etant chrétiens, ils ont conservé leur culture propre et leur identité amshen qui est particulière. Comme les autres ethno-groupes amshen, ils parlent le dialecte amshen de la langue arménienne qui appartient au groupe linguistique le plus éloigné de la norme littéraire et, d’après sa génèse, englobe une aire comprenant une partie du territoire Ani-Chirak de l’Arménie avec pour dialectes proches ceux de Cilicie et de Sébastia. Les amshen sont composés de quelques sous-groupes dénommés d’après les provinces d’Arménie occidentale amshen: les trapezoundzi, les ordoustzi, les djeniktzi et autres.
En Turquie la situation est toute autre.
Si en Russie et en Abkhasie les arméniens amshen sont dans leur majorité écrasante chrétiens, descendants d’une partie des amshen non islamisés, la situation est tout à fait différente en Amshen où les arméniens amshen ont été islamisés de force.
Avant l’annexion en 1461 de Trapizon et ses environs par l’Empire ottoman, les gens habitant l’Amshen étaient les héritiers de l’Eglise Apostolique Arménienne, parlaient l’arménien et se considéraient arméniens. Les données concernant la population en Amshen montrent qu’aux XVIII-XIXe siècles une partie des arméniens chrétiens amshen a émigré vers l’ouest et l’autre partie a été islamisée par la force.
On remarque que ceux qui sont devenus musulmans ont également quitté les lieux. Il n’est pas inexact de dire que la majorité de la population restée en Amshen est crypto-amshen car il n’y a pas de preuves affirmant que la population autochtone en Amshen ait changé.
Nombreux sont ceux qui ont perdu leurs racines et leur identité nationale, ne se reconnaissent pas en tant que descendants d’arméniens et se présentent en tant que khemshyls.
Aujourd’hui les amshen islamisés ne revendiquent pas de territoires auprès de la Turquie. Nonobstant lorsqu’à un certain moment cette revendication sera exprimée, les arméniens-musulmans pourront constituer un réel problème à la Turquie.
Le récent passé de l’Empire ottoman constitue la meilleure preuve de l’effondrement des empires édifiés sur le sang. Dans les dix prochaines années la Turquie qui s’efforce de se présenter au monde comme une puissance régionale monolithe pourrait bien se désagréger. Et les centres mondiaux du pouvoir prennent en compte ce scénario d’après les pronostics établis par leurs instituts d’estimation. Cela fait que «la question arménienne» n’est pas seulement l’affaire de territoires spoliés, de millions de victimes ou déplacés. Les individus islamisés de force aux XIX-XXe siècles sont la preuve du fait d’un génocide à l’encontre des arméniens, conformément au texte de la Convention «De la prévention du crime de génocide et de son chatiment» de l’ONU du 9 décembre 1948.
Le Fonds de collaboration «Eurasie» et le club littéraire «Inknaguir», sous l’égide de l’Agence américaine pour le développement international (USAID), ont mené une sérieuse étude concernant les problèmes des arméniens amshen.
Leurs recherches ont démontré que même les amshen qui ne veulent pas se considérer arméniens et se dénomment khemshyls ne peuvent échapper au mépris des autres musulmans, surtout de la part des lazes qui utilisent le mot «ermeni» comme juron. «Je ne sais pas pourquoi on nous appelle «graine arménienne», se plaignait une amshen de Tchamourlü.
Voulant couper les amshen de leurs racines arméniennes, les autorités officielles ont réécrit leur histoire, mais dans le même temps, les autorités locales les considérent comme arméniens en les pillant et les asservissant, ne leur donnant pas ainsi à oublier leurs origines.
Les documents d’archives ci-après, des autorités de l’Empire ottoman comme de la république turque actuelle, confirment d’une politique préméditée à l’encontre des arméniens d’Arménie occidentale (nommée également «Anatolie orientale»).
Le premier document est une note datée du 1er juin 1913 émanent du quatrième bureau de la direction de l’Etat-Major du Ministère des Affaires Intérieures: «Les populations des villages Zürbidji (Yolderè), Arvala (Echmekaya, Tchimenli), Khayki, Tchavoushlü, Zarguyna (Güneshli), Gardjy (Khendek) de la province de Khopa du villayet de Trapizon connues sous le nom de «Amshen» sont composées d’arméniens convertis à l’islam. Le restant de ces populations sont des lazes-musulmans. Dans la mesure où les amshens représentent une population naïve et illettrée, n’importe quel missionnaire peut avec succès faire sa propagande. Pour cette raison, nos autorités locales se doivent d’avertir les habitants, c’est primordial».
Le 3 juin 1913, à l’appui de ce document, le Ministère des Affaires Intérieures a envoyé au gouvernorat de Trapizon une note portant le numéro 388: «Les arméniens d’origine, bien qu’ayant pris une autre religion, habitant les villages de Zourbidji (Yolder), Arvala (Echmekaya, Tchimenly), Khajky, Zarguin (Güneshly), Gartchy (Khendek) sis près du bataillon frontalier de Khopa, connus sous le nom de amshen, en raison de leur naïveté et leur illettrisme sont susceptibles de passer sous l’influence trompeuse de missionnaires. Les autorités locales se doivent d’avertir les amshen et leur indiquer le droit chemin. Le Ministère des Armées, instruit par une note de notre commissariat à la frontière russe, nous a averti de l’importance à donner à cette mission. Il est indispensable de prendre des mesures en ce sens».
Cent ans après, cette politique turque envers les arméniens islamisés n’a subi aucun changement.
Ainsi, l’organisation ultranationnaliste turque «ASIMTER» (Union pour la lutte contre les arméniens), s’adressant au Ministère des Affaires Intérieures de la Turquie, a exigé d’entreprendre de sévères mesures à l’encontre de l’activité d’associations ou personnalités arméniennes essayant d’ instaurer des relations avec les arméniens islamisés d’Amshen.
Que signifient ces documents?
Même si nous laissons de côté l’inquiétude qui perce à travers ces documents que les amshen sont susceptibles de constituer une menace pour la sécurité en Turquie, un autre point important ici est qu’ «il s’agit d’arméniens islamisés connus sous la dénomination d’amshen».
Les amshen ont trouvé deux moyens de risposte: le premier – résistance et idéologie «des damnés de la terre», c’est-à-dire le marxisme et le second – devenir «plus catholiques que le Pape», c’est-à-dire se transformer en turcs-nationalistes plus fervents encore que les lazes.
Les nationalistes turcs ont créé un climat totalement anti-arménien dans lequel le passé arménien fait pratiquement figure de passé criminel. De nombreux amshen portent encore en eux cette terreur – qu’on ne les considère pas en tant qu’arménien.
Dans le compte rendu de 2017 concernant les droits de l’homme, édité par le Département américain, il est dit que les arméniens, les alavites et les chrétiens sont régulièrement l’objet de haine et de discrimination en Turquie et le terme «arménien» est injurieux. Les auteurs du compte-rendu rappellent également qu’un député du Parlement turc, Karo Paylyan, a formulé une demande de poursuite en justice à l’encontre du Président de la Turquie, Recep Erdogan, concernant son silence aux propos anti-arméniens lors de son discours à Trapézound le 15 octobre 2016.
Pour la joie du Gouvernement turc, certains de nos responsables scientifiques à la vue courte écrivent des ouvrages, font des courts métrages de vulgarisation scientifique sur les lieux du territoire de l’Arménie occidentale, présentant les autochtones comme des nationalités minoritaires ayant réussi à conserver leurs coutumes et culture.
De plus certains d’entre eux s’arrogent le droit de donner des estimations à la baisse concernant le nombre d’habitants des populations en question. Ils ne se rendent pas compte qu’ils créent une situation de forfanterie qui sert le gouvernement turc lors de débats sur les questions de droit sur les plate-formes d’Europe et des Etats-Unis. Cela lui permet de se présenter comme un Etat démocratique qui donne la possibilité aux minorités nationales de conserver leurs coutumes et culture.
Il est évident qu’en situation de faim informationnelle «lorsqu’il n’y a plus de poisson, le crabe peut en faire office».
Andranik Aïvazian, prêtre de l’Eglise catholique arménienne de la province de Djézireh en Syrie, a raison lorsqu’il dit: «Il est dommage que le peuple arménien ait la vue courte, cela se constate à travers les pages tragiques de son histoire. Lorsqu’un arménien amshen dit qu’il est arménien mais qu’il reste musulman, nous le recevons comme un arménien mais lorsqu’un arménien islamisé dit «je suis arménien et suis prêt à me faire baptiser et devenir chrétien» malgré la menace qui pèse sur sa vie, nous lui tournons le dos. Est-ce juste? Alors que nous pouvons aider ces gens à se conserver arméniens mais l’Etat ne bouge pas. Serait-ce à la Syrie de confirmer leur origine arménienne?».
Il est utile de se souvenir des paroles de Nathalie Chahan: le douloureux problème commun à tous les arméniens obligera enfin à réfléchir et reconnaître la cécité politique de notre peuple, ses illusions et son désorientement sur fond du pragmatisme froid et calculateur des puissance mondiales.
Dieu merci! Une partie de notre peuple a pu malgré tout survivre et a su conserver ce qui l’ancre profondément dans ses racines.
Mais il ne faut pas oublier le prix payé par le peuple d’Arménie occidentale pour continuer de parler sa langue natale, interpréter ses chants, conserver son identité.
Bien que la majorité des arméniens restés sur leur terre ancestrale aient été contraints de changer de religion, de mener son mode de vie propre en se cachant, ils sont accrochés très fort à ce mince fil d’Ariane qui tôt ou tard les conduira hors du tunnel du Centaure.
Mais les arméniens islamisés de Turquie n’ont pas tous perdu leur identité. Loin de là. Ils ont continué à prier en arménien et ont conservé leurs rites ancestraux.
Ainsi, sur la base de ces données on peut conclure que l’assimilation des arméniens de l’Arménie occidentale, en Amshen, non seulement n’est pas aboutie mais on remarque une tendance réelle à un retour aux racines. C’est pourquoi il est indispensable d’utiliser toutes les possibilités pour aider nos frères et soeurs amshen sur cette question.
Ce travail peut se faire par l’intermédiaire des structures officielles de l’ONU, d’instituts de diplomatie nationaux (contact direct entre arméniens amshen d’Abkhasie, de Sotchi et arméniens d’Arménie occidentale, discussions individuelles, curiosité personnelle sur son propre passé), les moyens de communication, l’internet, la création de foyers de culture arménienne et d’éducation, travail avec les SMI.
Pour exemple, ces dernières années dans le cadre des Commissions de l’ONU sur les questions des peuples autochtones (mécanisme d’experts de l’ONU), le Conseil National des arméniens d’Arménie Occidentale a fourni des dossiers sur cette problématique, soulevé les questions qui se posent à l’heure actuelle et qui inquiètent les arméniens. Il a reçu la compréhension de l’opinion publique internationale.
Le rôle des SMI est très important.
Malheureusement les SMI amshen (aussi bien écrits qu’électroniques) sont peu nombreux, particulièrement en langue arménienne, en Abkhasie, Russie, République d’Arménie, Turquie et Arménie Occidentale – Amshen – . Cela engendre une faible information en direction de la population amshen sur ce qui la concerne. Pallier à cette situation doit figurer dans les priorités des arméniens amshen.
En effaçant la mémoire historique de son peuple, l’induisant en erreur, «les pères» de la nation enlèvent à leur peuple une chance de se repentir..
Nombreux sont ceux qui tout au long de notre histoire commune se sont adonnés à la falsification mais la tête criminelle dirigeante turque a mené cette falsification vers la perfection.
Cela ne signifie pas qu’elle ait réussi à effacer notre mémoire – la mémoire des descendants des victimes du génocide.
Dieu merci! Vivent encore certains descendants directs des victimes du génocides – ils sont prêts à fournir et confirmer les données citées.
Un travail de documentation des faits et des témognages est en élaboration. Il sera présenté aux cours et tribunaux internationaux qui, enfin et définitivement, jugeront ce crime épouvantable contre l’humanité et restaureront tous les droits bafoués de notre peuple.
Ce qu’ont accompli les turcs – éradiquation planifiée des arméniens à partir de la seconde moitié du XIXe siècle jusqu’en 1923 – constitue un acte de haine absolue. Ils doivent en supporter le chatiment mérité pour le fait d’avoir privé tout un peuple de sa Patrie et, sur les ossements de nos ancêtres, ils s’enivrent de la prospérité de leur création kémaliste.
Le silence, l’absence de reconnaissance et même la négation du génocide perpétué contre les arméniens en tant que fait historique de la part de politiques malhonnêtes de journalistes et d’organismes engagés valent leur participation à ce crime sanglant.
Et le plus important….
De même qu’à la fin des années 1980-début 1990 la pensée politique communautaire arménienne dans son ensemble n’était pas préparée à la prise d’indépendance de la République d’Arménie, aujourd’hui également elle n’est pas préparée à l’inéluctabilité de l’indépendance de la République d’Arménie occidentale y compris celle d’Amshen et de la Cilicie.
Nous croyons fortement qu’est proche le moment où nous reprendrons notre Patrie historique et que l’immense arbre de vie du peuple arménien refleurira!
Saïda Oghanyan, journaliste ethnographe
Responsable de l’Union internationale féminine des arméniens amshen «Amshenka»
Député de l’Assemblée Natioale (Parlement) de l’Arménie Occidentale
Traduction – Beatriss Nazaryan