Positionnement de la Fédération de Russie concernant la résolution de la Question Arménienne (3ème volet)

Jusqu’à il y a peu, le positionnement de la Fédération de Russie concernant la résolution de la Question Arménienne était simple: il était déterminé par les dispositions de l’Accord de Moscou (Accord entre la Fédération Socialiste Russe et la Turquie du 16 mars 1921 [1]). C’était jusqu’à présent la position de la Russie concernant la Question Arménienne jusqu’à ce que :

  • en raison des «révolutions de couleur», la Russie a commencé à perdre l’un après l’autre ses points d’ancrage au Proche Orient et, si elle perdait son influence en Syrie, alors elle n’aurait plus aucun rôle dans cette région;
  • la politique menée par la République de la Turquie au Proche Orient était considérée par la Russie comme le moindre mal en comparaison de la politique menée par les gouvernements européens;

— il est devenu indéniable que la Turquie ne refusera pas d’oeuvrer pour une politique néo-osmanienne et continuera à soutenir les actions de groupes terroristes et extrêmistes, essayant de les utiliser pour satisfaire ses ambitions d’expansion agressive,  y compris l’invasion de la Syrie et de l’Irak  [2,3].

Malgré cet état de fait, rappelons que les mesures fondamentales contenues dans le Traité de Moscou qui, pendant de longues décennies, ont limité d’une part les possibilités de la partie arménienne de défendre les droits du peuple arménien et d’autre part n’ont pas répondu aux attentes de la partie russe concernant une véritable politique d’envergure au Proche Orient (et cela concerne le monde entier).

La première mesure figure dans l’ article 1 du Traité:

«Chaque partie contractante accepte pour principe de ne reconnaître aucun traité de paix ou acte international imposé par la force par l’ autre Etat contractant. Le Gouvernement de la République fédérale socialiste de Russie accepte de ne reconnaître aucun acte international  concernant la Turquie qui ne soit reconnu par le Gouvernement national de la Turquie, représenté par  sa Haute Assemblée Nationale.

D’après ce Traité, la Turquie correspond aux territoires inclus dans le Pacte National Turc du 28 janvier 1920 (1336), rédigé et proclamé par la Chambre ottomane des députés à Constantinople et transmis à la presse ainsi qu’à tous les Etats».

Ajoutons qu’un des articles sur les 16 que contient le Traité concerne les intérêts de la Russie – il s’agit de l’article 5 concernant son accès libre aux Détroits. Les autres articles soit n’ont pas de relation directe avec ses intérêts soit les contrecarrent.

Concernant l’émergence d’une politique d’envergure mondiale, l’article 8 limite fortement la marge de manoeuvre de la Russie:

«Les deux parties contractantes affirment ne pas autoriser sur leur territoire la formation ou la circulation d’organisations, de troupes qui prétendraient représenter officiellement l’autre partie et également de formations ayant pour but de guerroyer avec l’autre partie. La Russie comme la Turquie s’y engagent,  y compris vis-à-vis des républiques soviétiques du Caucase, sur la base de réciprocité.

Dans cet article on entend par territoire turc le territoire sous le contrôle immédiat, militaire et civil, du Gouvernement de l’Assemblée Nationale de la Turquie».

Il n’est pas inutile de rappeler que la Turquie n’a jamais appliqué les principes de ce Traité et a toujours agi selon ses intérêts.

Et comme on peut le remarquer, cette question connaît un rebondissement à la lumière des violents évènements  au Proche Orient.

L’année 2012, en particulier,  a été l’année charnière: pour la première fois  les milieux politiques russe et américain ont commencé à parler des droits, des questions de sécurité pour les groupes ethniques et religieux de Syrie, Arméniens y compris.

En particulier, le 16 novembre 2012, le Président  de la Russie, Wladimir Poutine a annoncé: »Notre point de vue est clair – nous considérons qu’il faut d’abord se mettre d’accord sur le futur, comprendre comment seront préservés les droits légitimes et les intérêts des différents groupes religieux et ethniques, puis se concentrer sur les changements. Et non pas le contraire – écarter Assad et ensuite penser quoi faire» [4,5].

Nous en sommes  seulement au prélude. Dans un proche avenir, la politique de la Fédération de Russie va se préciser concernant les problèmes du Proche Orient. On verra de plus en plus clairement son changement d’orientation par rapport aux décisions prises et aux traités conclus dans les années 1918-1920 concernant les droits légitimes et les intérêts de tous les peuples et Etats de la région. Cela contribuera à faire établir une paix durable au Proche Orient.  Il s’agit non seulement du Décret du Gouvernement de la Russie «De l’Arménie turque» («De l’Arménie occidentale») du 11 janvier 1918 mais également du Traité  de paix de Sèvres (10 août 1920), de  la Sentence Arbitrale du 28e Président des Etats-Unis, Woodrow Wilson (22 novembre 1920), et enfin de la déclaration commune, dès 1915, de la Grande Bretagne, de la France et de la Russie condamnant le Génocide perpétré contre les Arméniens et le qualifiant  de «nouveau crime de la Turquie contre l’humanité et la civilisation» (24 mai 1915) [6] et enfin la déclaration du 14 avril 1995  de la Douma de l’Assemblée Fédérale de la Fédération de Russie «De la condamnation du génocide perpétré contre le peuple arménien entre 1915 et 1922 .» [7].

Pour la concrétisation d’une véritable politique et l’institution d’une paix solide, que ce soit au Proche Orient ou ailleurs dans le monde, les gouvernements n’ont pas d’autre alternative y inclus l’imposante puissance qu’est la Fédération de Russie. 

Tigran Pashabézian

Premier Ministre de la République d’Arménie Occidentale 

26.12.2016   

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Notes

  1. Traité de Moscou entre la République socialiste soviétique de la Fédération de Russie et la Turquie du 16 mars 1921, Moscou . http://www.genocide.ru/lib/treaties/19.htm
  2. «La Question Arménienne et la politique néo-osmanienne de la Turquie: défis et menaces , ИА REX – http://www.iarex.ru/articles/53289.html
  3. «Application du Traité de Sèvres – voie vers la paix au Proche Orient «,
    ИА РЕГНУМ – https://regnum.ru/news/polit/2206970.html
  4. «Il faut d’abord se mettre d’accord sur le sort des groupes ethniques et seulement ensuite poser la question de la destitution d’Assad» considère Wladimir Poutine, Président de la Fédération de Russie, pour plus de précision : ТАСС, 16 novembre 2012, http://tass.ru/politika/647924
  5. Le congrès des Etats-Unis veut aider les Arméniens de Syrie, 02.08.2012. am.
  6. «Ensemble de documents concernant la défense des droits de l’Arménie Occidentale et des Arméniens d’Arménie Occidentale », recueil de documents, 2e édition complétée, 2015 г., éditeur «Noyan Tapan», Erévan, Issaakian 28 . – http://nt.am/am/ourpublication/10/
  7. La Douma de l’Assemblée Fédérale de la Fédération de Russie décrète: Est prise la décision par la Douma de l’Assemblée Fédérale de la Fédération de Russie de « condamner le génocide perpétré envers le peuple arménien entre 1915-1922  ». Se référant aux faits historiques incontestables prouvant les massacres d’Arméniens sur le territoire de l’Arménie Occidentale entre 1915 et 1922; se référant à l’esprit et à la lettre de la Convention de l’Organisation des Nations Unies concernant les décisions destinées à prévenir les crimes de génocide ainsi qu’à leur chatiment (9 décembre 1948) ainsi qu’à la Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité (26 novembre 1968);oeuvrant pour la renaissance des traditions humanitaires de l’Etat russe; rappelant que c’est à l’initiative de la Russie  qu’en 1915 les Grandes Puissances de l’Europe avaient qualifié les actions de l’Empire turc envers le peuple arménien  de «crime contre l’humanité»; signalant que l’anéantissement physique du peuple arménien frère sur son propre sol ancestral    a été accompli dans le but de créer les conditions pour détruire la Russie, la Douma de l’Assemblée Fédérale de la Fédération de Russie condamne les organisateurs de la liquidation des Arméniens entre 1915 et 1922. Elle exprime sa compassion au peuple arménien et considère le 24 avril comme jour de mémoire des victimes du génocide (Recueil de lois de la Fédération  de Russie, Moscou 1995, n°17, art. 1497; Bulletin de l’Assemblée Fédérale de la Fédération de Russie, M. 1995, n°14, art. 1024,  See more at:

http://www.genocide-museum.am/rus/Russia_Duma_Resolution.php#sthash.lTDOFOfZ.dpuf)

Source: IA REX – association internationale des experts

  ИА REX – международное экспертное сообщество

Traduction – Beatriss Nazaryan

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