Le légendaire commandant ARAMO – colonel Aram Torghomyan – qui a participé à plusieures guerres, commandant du détachement «ANA» (Armée Nationale Arménienne), («ՀԱԲ»), responsable de l’organisation patriotique populaire «Armée Nationale Arménienne» (créée le 25 avril 1989 et reconnue le 4 août en tant que première organisation populaire armée et dirigée, à l’époque, par le légendaire Razmik Vassilyan).
Au cours d’une discussion menée par le correspondant du journal «La Voix de l’Arménie», il a livré, en tant que membre des milices populaires, son point de vue quant à la sortie de la situation existante aux confins sud du pays après cette guerre de 44 jours.
LA MILICE POPULAIRE EST PRETE A OCCUPER LES LIEUX
En mai-juin 1994, une armistice a été signée entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan; les actions militaires ont cessé bien qu’on aurait pu à ce moment-là déterminer définitivement le statut de l’Artsakh libéré. A l’époque, notre organisation avait pour objectif de renforcer l’Artsakh, nous pouvions encore nous déterminer sereinement quant aux problèmes du devenir de l’Artsakh – de jure, avoir un deuxième Etat arménien mais les arméniens veulent un seul Etat.
Il faut réunir toutes les structures militaires.
A propos, ces jours-ci va être officialisée l’Union des miliciens populaires «ARMEE ARMENIENNE COMMUNE DE LA MILICE POPULAIRE». Etant donné que nous sommes encerclés par l’ennemi, nous créons une deuxième armée et, en cas d’actions militaires, lorsque l’armée nationale recule de 20km, nous prenons position en première ligne et entrons en action.
Après cette reconnaissance, nous rencontrerons vraisemblablement les responsables du Ministère des armées. Pour l’instant, il n’y a pas eu d’obstacles. J’ai personnellement réuni plus de 32 détachements de miliciens, près de 7 organisations non gouvernementales nous ont rejoint; nous nous sommes dotés d’un conseil (politique et militaro-politique). Tout est prêt en cas d’accord avec le Ministère de la Défense. Si on nous arme, nous sommes prêts à aller défendre les confins de notre Patrie. Si cela ne se fait pas, il faudra se souvenir des temps anciens où, seuls, par l’intermédiaires de détachements de la milice on se procurait des armes et l’Etat fermait les yeux.
«L’Armée nationale arménienne» «ANA» («ՀԱԲ») était forte de 131 000 hommes. Elle en a beaucoup moins à l’heure actuelle. Si on nous arme et si nous allons au moins une fois en première ligne, cela constituera une petite unité, puissante et compacte, de l’armée nationale arménienne (tel était le rêve de Razmik Vassilyan), afin de réunir tous les combattants, créer une armée-nation. Ses contributions n’ont toujours pas été reconnues à leur juste valeur. Aujourd’hui pratiquement personne ne se souvient que la première armée arménienne a été créée par Razmik Vassilyan et que j’ai constitué le détachement «ANA» («ՀԱԲ»).
En septembre 2020, le détachement «ANA» («ՀԱԲ»), fidèle à sa mission, est allé parmi les premiers en première ligne lorsque l’Azerbaïdjan avec la Turquie et les groupes terroristes venus de Syrie se sont jetés sur l’Artsakh.
Voici ce dont se souvient le colonel Aram Torghomyan (ARAMO) des évènements récents:
Entre les 11-16 octobre 2020, notre détachement a perdu 8 combattants, a eu 20 blessés. Si je n’avais pas couvert le secteur, les turcs auraient pénétré plus avant. Nos gars sont descendus et il n’y avait pas de commandant – il a abandonné ses soldats pendant 3 jours; nous les avons remplacés, 10 des miens sont montés occuper leurs positions. Moi aussi j’ai été blessé à plusieures reprises, commotionné. On nous a envoyé là-bas sans les armes adéquates. C’est-à-dire – intentionnellement – pour nous enterrer tous, anéantir les miliciens de l’armée populaire qui étaient prêts à défendre leur terre avec leurs dents.
«LA BELLE AFFAIRE! ILS ONT PROGRESSE D’UN KILOMETRE…» A DECLARE SASSOUN MIKAELYAN.
Les actions des autorités, devant la présence de l’ennemi sur le territoire national arménien, ne se casent dans aucune logique
Lorsque les azéris ont pénétré notre territoire, je me suis adressé à nos dirigeants et ai exigé qu’ils nous donnent des armes et nous aurions fait prisonnier l’ennemi. Sassoun Mikaelyan nous a répondu: «La belle affaire! Ils ont progressé d’un kilomètre, ce n’est pas si inquiétant». Non seulement ils ont cédé une grande partie de l’Artsakh – mais ils ont fait perdre pratiquement mille kilomètres sur tout le périmètre de la frontière avec Vardénis, Goris, Djermouk!
Je considère que seuls des vendus peuvent agir ainsi, agir en traîtres. Quel que soit le nouveau gouvernement, il sera meilleur que l’actuel. Ils injurient tous les dirigeants du passé. Mais aucun d’entre eux n’a cédé de nos terres! Si tu es à la tête du pays, qu’as-tu fait? Toute la Diaspora vous a envoyé de l’argent. Nous n’avons pas perdu cette guerre. Nous gagnerons encore, nous avons devant nous une autre guerre en perspective. Chaque arménien, du monde entier, doit être prêt – un autre Sardarabat nous attend. Et nous sommes dans l’obligation – comme en 1918-1922 – de libérer et terminer la guerre victorieusement. Pour que les azéris reçoivent leur capitulation. Serge Sarkissyan a dit vrai; «Tu es un capitulard».
Je proclame: cela suffit! Partez et nous prendrons nous-même les rênes du pays! Tu as fait six mille victimes! Tu regardes dans les yeux des mères de ces gars? Chouchi, cette forteresse puissante, tu l’as donnée. Tu as donné Gadrout, tu as donné Mataguis, tu as donné Talysh. On dit aujourd’hui qu’au Tavoush tu es prêt à donner Voskepar, Baganis. Tu as donné les terres du Karabagh, celles que nous avions libérées en 93 et qu’on baptise aujourd’hui du nom d’enclaves. En quelques heures nous avions libéré 6 territoires historiquement arméniens! De quel droit avez-vous l’intention de les céder? Si Ceaucescou a eu un tel sort, qu’est-ce qui t’attend? Tu n’y a pas songé? Je suis pour Kotcharyan, l’armée occupera la deuxième place, et nous (l’armée populaire des volontaires) – serons en première place. Il y aura deux échelons.
Lorsque eux (le gouvernement) partiront, nous récupérerons tout ce qu’ils ont traîtreusement cédé. Il y a 105 ans l’Azerbaïdjan n’existait pas, alors comment se fait-il que Chournoukh, Martakert, Chouchi, Mataguis puissent être azerbaïdjanais. Pour quel montant il (Pachinyan – note du réd.) les a-t-il vendus – on ne le sait pas encore? A t-il vendu Chouchi en particulier et pour combien? Personnelement je ne vois pas de différences entre les partis – il y a le pays qui se trouve dans des situations extrêmes et nous avons le devoir de nous unir. En 1921-1922, nos terres ont été cédées à la suite de quoi, Mravyan qui avait signé ce document, s’est ensuite suicidé. Nous sommes prêts à défendre notre terre. On a donné au moine (Arthur Aïvazyan) une arme mais l’ordre de tirer n’a pas été donné. Il a tiré et on l’a arrêté. Pourquoi nous ne devons pas tirer quand l’ennemi nous envahit? En ce moment les nôtres marchent le front bas – nous devons tout faire pour que tous relèvent la tête. Nous rétablirons tout! Mon exigence – créer deux corps d’armée puissants, composés de volontaires. Nous devons protéger les aires du Tavoush, de Berdzor (Latchin), Karvatchar (Kelbadjar). A la suite de cela, l’Etat pourra garantir une armée digne de ce nom.
Arméniens, où que vous soyez de par le monde, vous devez créer vos régiments. Qu’ils s’adonnent à des exercices militaires. Imaginez ce qui se passera si chacun des régiments sera armé des dernières techniques du pays où vous êtes. Je n’accepterai jamais de serrer la main d’un azéri ou d’un turc. Si nous signons aujourd’hui un traité, nous perdrons tout.
Quand on a arrêté la guerre, dans différents endroits du Syounik il y avait des voitures «Spyke» avec les cadavres de nos soldats. Ce n’est pas 3000 victimes comme le dit Pachinyan mais plus de 7 000. Pour preuve – cette évidence: partez! Nous nous chargerons nous-même du sort de notre terre!
ENVOYEZ-NOUS DE L’EQUIPEMENT.
En peu de temps les volontaires des milices populaires se sont regroupés. Ont été crées 7 grosses unités, 32 régiments de petites organisations nous ont rejoint pour nous aider moralement et financièrement.
Je ne demande pas d’argent, achetez de l’équipement et envoyez-le nous
Nos concitoyens de Russie ont envoyé des tenues de camouflage, des caméras thermiques, des tentes. Les caméras thermiques viennent des arméniens de Sotchi et d’Adler. Nous ont également aidés les arméniens amshens – je les aime beaucoup. Il y a trois ans ils sont venus: je leur ai fait visiter l’Artsakh et quand la guerre a commencé, ils nous ont aidés. Pour certaines raisons, je ne peux montrer mes combattants, démontrer leur force. A la prochaine incursion sur notre terre, ne serait-ce que d’un mètre, nous irons même sans armes comme en 1991 où, avec de simples fusils de chasse, nous allions au combat. A vrai dire, merci au leader azéri Eltchibey – quel homme «bon» qui nous abandonnait des trophés sous forme d’armement et de nourriture.
Les turcs disent que je suis mort. Vous n’aurez pas cette opportunité! Vous ne connaissez pas nos lions, combien sont-ils, ils vous déchireront en un clin d’oeil. Si on ne nous arme pas, nous adopterons une tactique qui a fait ses preuves. Pour l’instant on nous isole artificiellement pour nous dominer mais nos classiques disaient que notre force réside dans notre unité. Comme le disait Njdé, la force engendre le droit. Ainsi donc nous récupérerons nos terres!» – de cela le colonel Aram Torghomyan – le légendaire commandant ARAMO – en est persuadé.
Marta Akhnazaryan,
Cette interview a été donnée (faite) le 15 juin 2021
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Traduit en français par Béatrice Nazarian